De la ville native Salò à la cuisine très convoitée du restaurant étoilé Le George de Paris. Humblement, avec un profond respect pour les produits de la terre et un esprit fortement interculturel, le Chef Simone Zanoni est devenu une référence pour la cuisine italienne dans le monde. Celle du futur, respectueuse de l’environnement et contre les excès. Laissons-nous inspirer par cette vision…
Vous avez présidé le Jury de la Catégorie Pizza à Deux au Championnat Français de la Pizza. Quel est selon vous le secret du succès quand on concourt à deux, dans un monde où il y a une tendance à vouloir exceller individuellement? Comment se répartissent les rôles dans la création d’une pizza à quatre mains?
Simone Zanoni: Pour la pizza à deux, il y a deux professionnels, d’un côté un pizzaiolo et de l’autre un cuisinier. Parmi les candidats, nous avons sélectionné ceux qui nous ont semblé les plus complices. Naturellement, le fait de travailler en équipe implique de mettre de côté l’ego personnel : c’est justement grâce à cette entente que le pizzaiolo réussit à exalter le travail du cuisinier et vice versa. Ce sont deux passions qui s’unissent, et il est intéressant de voir comment se crée cette synergie, vu que normalement les deux métiers semblent se trouver sur deux plans différents. Les jeunes qui ont gagné dans la catégorie pizza à deux au Championnat de France sont aussi ceux qui ont gagné dans la même catégorie au Championnat de Parme! Pour moi, cela a été une grande satisfaction: cela signifie que nous avons choisi le couple gagnant, celui où la collaboration a été parfaite. L’année dernière aussi le couple qui a gagné au Parizza est arrivé deuxième au Championnat de Parme, de toute évidence nous avons une méthode d’évaluation qui se révèle clairvoyante.
Pour nous, qui sommes depuis toujours liés au monde du sport, l’esprit d’équipe et le fair-play sont des facteurs essentiels dans les compétitions. Est-ce qu’ils font partie aussi de vos critères d’évaluation dans la compétition? Est-ce que vous évaluez autre chose
S.Z.: Absolument. Il y avait des cuisiniers et des pizzaiolos très forts individuellement, mais qui ne fonctionnaient pas à deux. Si le désir de faire plus de la part du pizzaiolo ou du cuisinier prend le dessus, l’équilibre du résultat n’existe plus. Nous avons cherché cette harmonie, que nous avons trouvée dans le goût et la saveur de la pizza : le cuisinier a réussi à exalter la pizza sans l’alourdir ou la rendre trop complexe.
Nous voudrions explorer avec vous la philosophie de votre cuisine, connue pour être fondée sur l’utilisation de produits locaux et saisonniers, et visant à réduire le gaspillage. Comment avez-vous réussi à harmoniser la dévotion à la durabilité avec les exigences de perfection de la haute gastronomie? Utilisez-vous des méthodes ou des technologies particulières?
S. Z.: Le chef d’aujourd’hui doit avoir une vision très globale et recherchée de ce métier. Il ne peut pas se contenter d’acheter de beaux produits pour faire de beaux plats. Aujourd’hui nous avons une responsabilité vers la Terre Mère qui nous offre ses fruits, nous sommes tous impliqués et nous devons nous rendre compte que nous devons être plus éco-soutenables; nous devons être capables de produire moins en quantité, tout en améliorant la qualité. Il est important de réaliser cela à travers des opérations concrètes, que nous effectuons régulièrement, moi et mon équipe, comme cultiver un potager, recycler certains restes alimentaires… Nous recyclons par exemple le café et nous n’achetons plus l’eau en bouteille, nous filtrons celle du robinet. Il faut comprendre que le business doit être fait d’une manière différente, en restant plus proche de la nature. Cette tendance n’est bien sûr pas facile à adapter au luxe d’un Palais parisien. Pour cela, nous nous servons de nombreuses start-up qui ont deviné la direction à prendre, et offrent des solutions et des inventions intéressantes. Par exemple, nous recourons à une start-up qui cultive les champignons à partir du café recyclé. Nous privilégions ces solutions qui se basent sur le recyclage et sur le respect de la nature.
Selon vous, est-ce aussi un choix praticable pour les restaurateurs classiques, dont les choix sont souvent orientés vers la modération des coûts?
S. Z.: Aujourd’hui nous avons la possibilité d‘adhérer ou non à certains choix, mais dans 10 ans, ce ne sera plus un choix mais une obligation légale, comme cela s’est passé pour l’interdiction de fumer dans les établissements publics, ou avec les restrictions au volant après avoir bu de l’alcool. Il y aura une législation plus rigide sur la manière dont nous produisons et nous consommons les aliments. Au cours des 15-20 prochaines années, les règles seront beaucoup plus sévères et éradiqueront certaines pratiques encore tolérées aujourd’hui. C’est la seule manière pour réglementer une société. Même ce consumérisme aujourd’hui n’est pas assez contrôlé, mais au fil des années nous nous rendrons compte de l’ampleur des dégâts que ce style de vie génère à la société et à la planète. Il sera fondamental de produire moins car le problème n’est pas celui du recyclage mais de la surproduction. Malheureusement il reste encore beaucoup à faire dans de nombreux pays du monde. L’attention portée à l’environnement n’est pas une priorité pour l’Etat, le jour où elle le sera, il y aura des lois et des contrôles beaucoup plus sévères. Les choses sont en train de changer, la société doit revoir radicalement ce modèle de production.
Racontez-nous votre histoire avec la pizza, comment la produisez-vous? Comment la consommez-vous? Comment est né le partenariat avec le Championnat de France de la Pizza?
S. Z.: Pour moi, en tant qu’italien, la pizza est un aliment avec lequel j’ai grandi, comme le café et les tomates; il est normal qu’il existe un lien affectif avec ces produits. Puis quand je suis parti en Angleterre et en France, il y a eu la séparation. Et je me suis rendu compte que cette passion pour la pizza est très importante même au-delà des frontières, même si la qualité ne correspond pas toujours à mes souvenirs. Quand je suis arrivé à Versailles, vu l’offre locale réduite, la seule manière de pouvoir continuer la tradition de la pizza du dimanche soir a été d’ouvrir une pizzéria. A partir de ce moment, j’ai commencé à m’intéresser de manière plus professionnelle à la pizza, j’ai commencé à travailler avec Galbani, et avec eux à m’engager dans le Championnat et comme représentant de la cuisine italienne à Paris, cela a été naturel pour moi de participer à ce concours. La pizza m’a toujours courtisé. Pour mes exigences de production et mes tendances écologiques, je me suis rendu compte que le four à bois n’était pas adapté. A mon avis, aujourd’hui, les fours électriques peuvent être beaucoup plus performants et beaucoup plus faciles à utiliser, en garantissant une homogénéité dans le résultat, ce qui est difficile à obtenir avec le four à bois, surtout si le personnel n’a pas l’expérience nécessaire.
Pour les sociétés, comme pour les particuliers, l’internationalité est désormais une attitude indispensable pour la propre évolution professionnelle. Dans votre vécu, la définition de “différences culturelles” existe-t-elle? Qu’est-ce qui vous a marqué le plus ?
S. Z.: Les différences culturelles sont évidentes, surtout entre le monde anglo-saxon et celui latin. Il y a une divergence de caractère. Personnellement je sens une plus grande affinité avec le monde latin, plus passionnel, peut être moins précis, mais qui vit les choses intensément. J’ai vécu aussi à Londres et à New York, et je note de nombreuses différences. Toutefois, l’enseignement principal est que tout le monde peut se développer quel que soit le pays, il faut comprendre la culture où l’on vit et aller dans la même direction, même dans la manière de faire des affaires. S’adapter au contexte. Pour cela, je n’ai pas eu de difficultés à m’adapter aux ingrédients locaux, en adoptant l’offre que j’avais à disposition. Au nord j’ai trouvé des produits très savoureux que j’ai appris à mettre en valeur, par principe j’évite de recourir aux produits importés. Ces défis m’ont enrichi.
Selon votre vision, y aura-t-il dans le futur de la restauration des dichotomies qui substitueront les manières de dire dont les médias abusent un peu comme “tradition VS innovation”, “local VS global”?
S. Z.: Je pourrais préconiser le “fait maison” VS “préfabriqué”. Je remarque que ce qui change le plus aujourd’hui est le manque de professionnels. Nous avons une restauration qui se développe, mais derrière il n’y a pas assez de ressources formées, les jeunes veulent apprendre moins, ils veulent une vie facile. Pour cela des sociétés qui comblent avec des solutions pratiques ce manque de professionnels ont été créées, comme par exemple celles qui se dédient à la production de la pâte à pizza. Acheter la pâte à pizza coûte un peu plus, mais cela permet aussi d’optimiser les coûts des ressources humaines. Mais si dans une pizzéria on peut trouver une pâte à pizza de bonne qualité qui permet d’obtenir un bon produit, dans la restauration le discours est un peu différent, car utiliser des produits déjà transformés éloigne du concept “fait maison”. Il y a une distinction entre utiliser un produit semi-fini qui simplifie l’opérativité, comme le peut être une pâte déjà prête, et utiliser des aliments finis et les faire passer pour faits maison. Un consommateur a des difficultés à faire la différence, pour cela la transparence est importante, elle aide à comprendre le niveau d’implication du Chef.
De la ville native Salò à la cuisine très convoitée du restaurant étoilé Le George de Paris. Humblement, avec un profond respect pour les produits de la terre et un esprit fortement interculturel, le Chef Simone Zanoni est devenu une référence pour la cuisine italienne dans le monde. Celle du futur, respectueuse de l’environnement et contre les excès. Laissons-nous inspirer par cette vision…
Vous avez présidé le Jury de la Catégorie Pizza à Deux au Championnat Français de la Pizza. Quel est selon vous le secret du succès quand on concourt à deux, dans un monde où il y a une tendance à vouloir exceller individuellement? Comment se répartissent les rôles dans la création d’une pizza à quatre mains?
Simone Zanoni: Pour la pizza à deux, il y a deux professionnels, d’un côté un pizzaiolo et de l’autre un cuisinier. Parmi les candidats, nous avons sélectionné ceux qui nous ont semblé les plus complices. Naturellement, le fait de travailler en équipe implique de mettre de côté l’ego personnel : c’est justement grâce à cette entente que le pizzaiolo réussit à exalter le travail du cuisinier et vice versa. Ce sont deux passions qui s’unissent, et il est intéressant de voir comment se crée cette synergie, vu que normalement les deux métiers semblent se trouver sur deux plans différents. Les jeunes qui ont gagné dans la catégorie pizza à deux au Championnat de France sont aussi ceux qui ont gagné dans la même catégorie au Championnat de Parme! Pour moi, cela a été une grande satisfaction: cela signifie que nous avons choisi le couple gagnant, celui où la collaboration a été parfaite. L’année dernière aussi le couple qui a gagné au Parizza est arrivé deuxième au Championnat de Parme, de toute évidence nous avons une méthode d’évaluation qui se révèle clairvoyante.
Pour nous, qui sommes depuis toujours liés au monde du sport, l’esprit d’équipe et le fair-play sont des facteurs essentiels dans les compétitions. Est-ce qu’ils font partie aussi de vos critères d’évaluation dans la compétition? Est-ce que vous évaluez autre chose
S.Z.: Absolument. Il y avait des cuisiniers et des pizzaiolos très forts individuellement, mais qui ne fonctionnaient pas à deux. Si le désir de faire plus de la part du pizzaiolo ou du cuisinier prend le dessus, l’équilibre du résultat n’existe plus. Nous avons cherché cette harmonie, que nous avons trouvée dans le goût et la saveur de la pizza : le cuisinier a réussi à exalter la pizza sans l’alourdir ou la rendre trop complexe.
Nous voudrions explorer avec vous la philosophie de votre cuisine, connue pour être fondée sur l’utilisation de produits locaux et saisonniers, et visant à réduire le gaspillage. Comment avez-vous réussi à harmoniser la dévotion à la durabilité avec les exigences de perfection de la haute gastronomie? Utilisez-vous des méthodes ou des technologies particulières?
S. Z.: Le chef d’aujourd’hui doit avoir une vision très globale et recherchée de ce métier. Il ne peut pas se contenter d’acheter de beaux produits pour faire de beaux plats. Aujourd’hui nous avons une responsabilité vers la Terre Mère qui nous offre ses fruits, nous sommes tous impliqués et nous devons nous rendre compte que nous devons être plus éco-soutenables; nous devons être capables de produire moins en quantité, tout en améliorant la qualité. Il est important de réaliser cela à travers des opérations concrètes, que nous effectuons régulièrement, moi et mon équipe, comme cultiver un potager, recycler certains restes alimentaires… Nous recyclons par exemple le café et nous n’achetons plus l’eau en bouteille, nous filtrons celle du robinet. Il faut comprendre que le business doit être fait d’une manière différente, en restant plus proche de la nature. Cette tendance n’est bien sûr pas facile à adapter au luxe d’un Palais parisien. Pour cela, nous nous servons de nombreuses start-up qui ont deviné la direction à prendre, et offrent des solutions et des inventions intéressantes. Par exemple, nous recourons à une start-up qui cultive les champignons à partir du café recyclé. Nous privilégions ces solutions qui se basent sur le recyclage et sur le respect de la nature.
Selon vous, est-ce aussi un choix praticable pour les restaurateurs classiques, dont les choix sont souvent orientés vers la modération des coûts?
S. Z.: Aujourd’hui nous avons la possibilité d‘adhérer ou non à certains choix, mais dans 10 ans, ce ne sera plus un choix mais une obligation légale, comme cela s’est passé pour l’interdiction de fumer dans les établissements publics, ou avec les restrictions au volant après avoir bu de l’alcool. Il y aura une législation plus rigide sur la manière dont nous produisons et nous consommons les aliments. Au cours des 15-20 prochaines années, les règles seront beaucoup plus sévères et éradiqueront certaines pratiques encore tolérées aujourd’hui. C’est la seule manière pour réglementer une société. Même ce consumérisme aujourd’hui n’est pas assez contrôlé, mais au fil des années nous nous rendrons compte de l’ampleur des dégâts que ce style de vie génère à la société et à la planète. Il sera fondamental de produire moins car le problème n’est pas celui du recyclage mais de la surproduction. Malheureusement il reste encore beaucoup à faire dans de nombreux pays du monde. L’attention portée à l’environnement n’est pas une priorité pour l’Etat, le jour où elle le sera, il y aura des lois et des contrôles beaucoup plus sévères. Les choses sont en train de changer, la société doit revoir radicalement ce modèle de production.
Racontez-nous votre histoire avec la pizza, comment la produisez-vous? Comment la consommez-vous? Comment est né le partenariat avec le Championnat de France de la Pizza?
S. Z.: Pour moi, en tant qu’italien, la pizza est un aliment avec lequel j’ai grandi, comme le café et les tomates; il est normal qu’il existe un lien affectif avec ces produits. Puis quand je suis parti en Angleterre et en France, il y a eu la séparation. Et je me suis rendu compte que cette passion pour la pizza est très importante même au-delà des frontières, même si la qualité ne correspond pas toujours à mes souvenirs. Quand je suis arrivé à Versailles, vu l’offre locale réduite, la seule manière de pouvoir continuer la tradition de la pizza du dimanche soir a été d’ouvrir une pizzéria. A partir de ce moment, j’ai commencé à m’intéresser de manière plus professionnelle à la pizza, j’ai commencé à travailler avec Galbani, et avec eux à m’engager dans le Championnat et comme représentant de la cuisine italienne à Paris, cela a été naturel pour moi de participer à ce concours. La pizza m’a toujours courtisé. Pour mes exigences de production et mes tendances écologiques, je me suis rendu compte que le four à bois n’était pas adapté. A mon avis, aujourd’hui, les fours électriques peuvent être beaucoup plus performants et beaucoup plus faciles à utiliser, en garantissant une homogénéité dans le résultat, ce qui est difficile à obtenir avec le four à bois, surtout si le personnel n’a pas l’expérience nécessaire.
Pour les sociétés, comme pour les particuliers, l’internationalité est désormais une attitude indispensable pour la propre évolution professionnelle. Dans votre vécu, la définition de “différences culturelles” existe-t-elle? Qu’est-ce qui vous a marqué le plus ?
S. Z.: Les différences culturelles sont évidentes, surtout entre le monde anglo-saxon et celui latin. Il y a une divergence de caractère. Personnellement je sens une plus grande affinité avec le monde latin, plus passionnel, peut être moins précis, mais qui vit les choses intensément. J’ai vécu aussi à Londres et à New York, et je note de nombreuses différences. Toutefois, l’enseignement principal est que tout le monde peut se développer quel que soit le pays, il faut comprendre la culture où l’on vit et aller dans la même direction, même dans la manière de faire des affaires. S’adapter au contexte. Pour cela, je n’ai pas eu de difficultés à m’adapter aux ingrédients locaux, en adoptant l’offre que j’avais à disposition. Au nord j’ai trouvé des produits très savoureux que j’ai appris à mettre en valeur, par principe j’évite de recourir aux produits importés. Ces défis m’ont enrichi.
Selon votre vision, y aura-t-il dans le futur de la restauration des dichotomies qui substitueront les manières de dire dont les médias abusent un peu comme “tradition VS innovation”, “local VS global”?
S. Z.: Je pourrais préconiser le “fait maison” VS “préfabriqué”. Je remarque que ce qui change le plus aujourd’hui est le manque de professionnels. Nous avons une restauration qui se développe, mais derrière il n’y a pas assez de ressources formées, les jeunes veulent apprendre moins, ils veulent une vie facile. Pour cela des sociétés qui comblent avec des solutions pratiques ce manque de professionnels ont été créées, comme par exemple celles qui se dédient à la production de la pâte à pizza. Acheter la pâte à pizza coûte un peu plus, mais cela permet aussi d’optimiser les coûts des ressources humaines. Mais si dans une pizzéria on peut trouver une pâte à pizza de bonne qualité qui permet d’obtenir un bon produit, dans la restauration le discours est un peu différent, car utiliser des produits déjà transformés éloigne du concept “fait maison”. Il y a une distinction entre utiliser un produit semi-fini qui simplifie l’opérativité, comme le peut être une pâte déjà prête, et utiliser des aliments finis et les faire passer pour faits maison. Un consommateur a des difficultés à faire la différence, pour cela la transparence est importante, elle aide à comprendre le niveau d’implication du Chef.
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